Dans cet essai de stratégie politique, le philosophe et sociologue Geoffroy de Lagasnerie aborde un problème qui devrait tous nous occuper, celui des défaites politiques du bloc progressiste. Personne ne peut nier le diagnostic, la gauche radicale « ne cesse de stagner, de régresser, de perdre les combats qu’elle engage ». Et cela depuis plusieurs décennies maintenant. L’auteur cherche donc à identifier ce qui dans nos luttes, dans nos modes d’action ou notre façon de penser fait obstacle aux victoires.
Parmi les nombreuses idées et intuitions abordées par G. de Lagasnerie, il y en a deux que je voudrais aborder ici : la notion d’action directe (p.42) et la critique des approches trop généralistes des luttes (p.88).
L’action directe se différencie de l’action réactive (mobilisation en réaction à une décision du pouvoir) et de la forme expressive (expression d’une opinion à travers une manifestation ou une pétition par exemple). L’action directe est autonome (elle pose sa propre loi) et elle a des conséquences concrètes. Ainsi, l’aide aux migrants à la frontière ou en mer, l’occupation d’un immeuble pour abriter des gens, la libération d’animaux d’élevage, l’action d’un lanceur d’alerte (qui grippe une institution) ou la mise en échec d’une manifestation d’extrême droite par les antifas, sont des actions directes.
Par ailleurs, G. de Lagasnerie critique l’approche trop généraliste des luttes. Une trop grande généralisation empêche d’avoir prise sur les choses, parce qu’il est question d’un problème ou d’un adversaire inatteignable. C’est donc démobilisateur. Il est nécessaire selon lui de problématiser de manière concrète les luttes, afin de se donner des objectifs accessibles. Cela fonde la différence entre le discours et la politique. Par exemple, « on peut dire que la police est raciste mais la question politique devrait être : quelles mesures concrètes peuvent faire reculer les pratiques racistes de la police ? »
Précisons pour conclure que la forme de l’ouvrage est en adéquation avec le sujet. Qu’il s’agisse du prix (5 euros), de la taille (90 pages) ou du registre d’expression (paragraphes courts, langage clair et accessible), tout est fait pour qu’un maximum de personnes s’en empare. Espérons que ce sera le cas afin de nourrir un débat qu’il est absolument nécessaire de mener.