Paru voilà près de 10 ans aux éditions Nouveau monde, l’ouvrage de Clarisse Lucas n’en demeure pas moins d’un grand intérêt. L’auteure, journaliste à l’Agence France-Presse, présente les réseaux d’influence qui traversent la société bretonne dans de nombreux domaines : politique, économie, agriculture, écologie, langue, culture, médias… pour ne citer que les principaux.
Évidemment, en dix ans, les parcours individuels et les données ont évolué, mais le livre permet de saisir les origines de ces lobbies et d’en identifier les principaux acteurs qui, pour la plupart, sont toujours actifs. En cela, l’ouvrage de Clarisse Lucas est un outil précieux.
La principale limite que j’aurais à porter vient de l’idée même d’un lobby breton, au singulier. L’auteur précise bien que ce lobby est protéiforme, mais l’idée me semble cependant mystificatrice. Si l’attachement des Bretons et des Bretonnes à leur territoire permet parfois de dépasser les approches partisanes, on voit mal par exemple ce qu’il y a de commun entre le clan Bolloré et une association comme Eau et rivières de Bretagne ? Mettre sur le même plan des entités aussi différentes masque les fractures profondes qui traversent la Bretagne (et au-delà).
Clarisse Lucas souligne évidemment les oppositions existantes entre l’agro-industrie et les écologistes, mais comme une unité à retrouver plutôt que comme des approches irréconciliables. Le dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui explosa après la rédaction du livre, me semble un bon exemple de visions du monde irréconciliable : la “bretonnité” ne permet en aucun cas de transcender un dossier comme celui-ci. Si la volonté de cohérence a obligé l’auteure à une lecture parfois simplificatrice et un peu édulcorée de la société bretonne, la lecture de Lobi Breizh n’en demeure pas moins passionnante.