Quatre mois après le vote du 26 juin 2016 concernant le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, l’opération à laquelle s’est livré le pouvoir apparaît plus clairement. L’objectif était double et très éloigné d’une supposée « démocratie participative ». Il s’agissait de reformuler la question du « transfert » de l’aéroport et de légitimer les violences policières.
Reformuler la question du « transfert »
Sur le fond du dossier, les partisans du projet n’ont jamais été crédibles. Tous les arguments qu’ils mettent en avant pour justifier le transfert de l’aéroport ont été démontés. Qu’il s’agisse de la saturation de l’aéroport de Nantes-Atlantique, de la sécurité des nantais, de l’emploi ou de la supposée Haute Qualité Environnementale de l’aéroport. Il était donc impératif aux partisans de déplacer le débat sur une autre problématique. Leur choix s’est porté, après l’opération César, sur la stigmatisation des « zadistes », caricaturés en groupuscules ultra-violent.
Le vote du 26 juin s’inscrit dans cette même logique. Déplacer le débat non plus sur la question de la violence mais sur celui de la démocratie. Avec la rhétorique du « choix des urnes », les gouvernants obligent tous les opposants à passer sous les fourches caudines du seul territoire clairement favorable au projet – la Loire-Atlantique – ou assumer une position « antidémocratique ». Cependant, quand on prétend sortir d’un conflit par le haut, il faut que les deux parties trouvent un terrain d’entente pour trancher leurs désaccords. Or, dans ce cas précis, la décision a été unilatérale. Manuel Valls a imposé le calendrier, le périmètre et la question. Rien d’étonnant à ce que l’opposition ne se soumette pas au résultat du vote.
Depuis le mois de juin, toutes les interventions médiatiques des défenseurs du projet vont dans le même sens : « le peuple a parlé, il faut le respecter ». En reformulant la question ainsi, ils font passer au second plan de nombreux éléments du conflit : la procédure d’infraction européenne, la préservation de la biodiversité, la promotion du transport le plus polluant par passager, le réaménagement de Nantes-Atlantique ou encore la destruction de zones-humides.
Légitimer les violences policières
Redéfinir les termes du débat n’était pas le seul objectif des gouvernants. Manuel Valls expliquait en février 2016 que la consultation « donnerait une légitimité supplémentaire » au projet. Et c’était bien là l’objectif. Mais il ne s’agissait ni d’une légitimité “démocratique” (rendue impossible par le caractère autoritaire de la consultation), ni d’une légitimité juridique (une consultation pour avis n’est pas un référendum) ; ni d’une légitimité « représentative » (les différents échelons exécutifs sont déjà favorables au projet). Non, ce qu’il fallait au gouvernement, c’était une « légitimité supplémentaire » aux violences policières.
Car tout le monde a en tête l’évacuation de la zad de Sivens et la mort du jeune militant écologiste Rémi Fraisse. Pour prendre le risque d’un autre accident dramatique, il fallait une « légitimité supplémentaire » au pouvoir.
S’il faut espérer qu’un tel drame ne se reproduise pas à NDDL, d’autres violences ne manqueront pas d’arriver. Une tentative d’expulsion, qualifiée de « périlleuse » par Manuel Valls, impactera les corps (gazages, mutilations, éclats de grenades dans les chairs), et le territoire (destruction de forêts, de maisons ou de zones-humides). Les images de cette brutalité étatique circuleront probablement à la télévision et dans les journaux, le gouvernement devait donc présenter des éléments de langage devant les micros avant de dégainer les flash-ball. C’est chose faite avec la consultation du 26 juin, les gouvernants pourront exercer la violence policière en s’abritant derrière « le peuple ».